Mutants, 2018


 

Le passé refoulé refait parfois surface : en mai 2017, je tombe par hasard sur un classeur renversé, un gisement d’archives, dans un coin de l’île de Gorée au Sénégal, à la merci des mouettes, du soleil, des embruns et de la rouille.


 

Je m’approche du gisement pour tenter de déchiffrer les documents papier devenus pour certains illisibles et remarque quelques factures et lettres adressées à... l’Université des mutants de Gorée. Cette découverte fortuite et les quelques images de traces qui en ont découlé constituent le point de départ de ce projet.


 

Initiée en 1978, l’Université des mutants avait pour principale mission d’"esquisser l'évolution que devrait suivre l'humanité en mutation pour assurer à tous les Hommes le bien-être et la paix", invitant des collaborateurs internationaux de divers horizons à venir inventer, ensemble, un futur inédit ("L’Université des mutants: pour un futur inédit", Le Devoir, 12 novembre 1979).


 

L’île de Gorée, bloc de granit au large de Dakar, ancien comptoir d’esclaves, fut durant des siècles le symbole de l'histoire traumatique de l'Afrique liée à la traite transatlantique. À l’indépendance du Sénégal en 1960, cette petite île, "balise de l’histoire", lieu de pèlerinage pour les Afro-descendants américains, devint un espace propice au dialogue des cultures, à travers la rencontre d’artistes et d’intellectuels du monde entier. C’était l’endroit tout indiqué pour faire naître une utopie.


 

Quarante ans plus tard, je découvre cette utopie en friches et veux tenter d’en faire revivre l’essence, par un travail de collecte photographique de traces attestant de son existence. Comme pour une archéologue en quête d’un rêve avorté, ces vestiges d’archives et d'artéfacts sont les portes ouvertes vers d’infinis possibles.


 

Après avoir été présenté au Musée de la Mer de Gorée en mars 2019, ce projet comprenant 30 photographies, des documents d'archive et un enregistrement sonore, a été exposé à la galerie Passage des membres de Skol à Montréal du 6 mars au 10 avril 2021.

 

 

Un compte-rendu critique de cette exposition est paru dans la revue Ciel Variable #118, Automne 2021.

 


Vue de l'exposition au centre SKOL (du 6 mars au 10 avril 2021). Photo: Judith Bellavance.

 

Pour en savoir plus sur l'Université des Mutants, son histoire, lire :

Érika Nimis, "Des Mutants en héritage ?", Troubles dans les collections, numéro 4, revue en ligne : https://troublesdanslescollections.fr/2022/12/23/article-6-3/

 

Ce projet a bénéficié d'une bourse de création du CALQ.